Acharnés
L’enfer c’est les autres
Écouter la chronique (6’49”)
Acharnés
Après ce que les habitués de l’aviation appellent une “quasi-collision”, c’est-à-dire quand deux avions passent trop près l’un de l’autre, mais déclinée avec des automobiles dans un parking , ce “presque accrochage” va déclencher une histoire singulière dans laquelle les deux protagonistes principaux vont s’appliquer à transformer le quotidien en épopée, grâce, notamment, aux performances exceptionnelles de Steven Yeun et Ali Wong, interprètes de Danny et Amy, qui ne reculeront devant rien pour gâcher la vie de l’autre à la recherche de la vengeance. Acharnés est une comédie noire qui se révèle extrêmement habile à dessiner le monde anxieux et colérique dans lequel nous vivons, comme une étude de mœurs des extrêmes émotionnels du XXIe siècle. Et c’est tout simplement savoureux.

Ali Wong (Amy)
Andrew Cooper • Netflix
Survivre à la pression

David Choe (Isaac)
Andrew Cooper • Netflix
Toujours plus
La fureur qu’Amy et Danny déchaînent l’une contre l’autre a beau être scandaleuse et extrême, tous les deux essaient, tant que faire se peut, de vivre la meilleure existence possible, tout en luttant contre les systèmes qui leur bouffent l’existence. Pour Danny, ce sont les banques, ses clients, sa famille, ses propres limites qui, selon lui, l’empêchent de réussir comme il pense qu’il le mérite. Amy, épuisée par sa difficile et dure ascension dans l’échelle sociale grâce à sa boutique branchée, voit sont mariage battre de l’aile, elle supporte de plus en plus difficilement George, son mari (Joseph Lee), plasticien raté qui ne gagne pas un rond mais qui dispose de temps pour s’occuper de leur fille (Remy Holt), dont Amy sent qu’elle lui échappe de plus en plus.

Ali Wong (Amy) et David Choe (Isaac)
Andrew Cooper • Netflix
Il faut que tu respires!
On sait que les meilleures histoires sont celles qui font résonner leurs spécificités jusqu’à l’universel. Vous et moi pétons les plombs pour des broutilles, en rêvant de pourrir la vie de l’abruti·e que nous tenons pour responsable… C’est précisément pour cette raison qu’il est difficile de ne pas compatir avec le désespoir et l’indignation de Danny et Amy, malgré leur mesquinerie, parce que cette rage qui les habite, qui nous habite, il faut la canaliser vers une échappatoire sous peine d’exploser. Donc, avoir recours aux insultes, ça revient à pratiquer une sorte de thérapie libératrice et jubilatoire, car, d’épisode en épisode, les interrogations sur notre propre rage nous font comprendre qu’il en faudrait peu pour qu’elle finisse par rejoindre l’intensité de la rage des personnages. Un petit exercice pour se calmer, méditer sur les titres de chacun des épisodes, dix citations qui vont de Werner Herzog à Carl Jung en passant par Simone Weil, Franz Kafka ou encore Simone de Beauvoir.