B.R.i
Flics ou voyous?
Écouter la chronique (6’17”)
Acharnés
Les BRI sont les Brigades de Recherche et d’intervention, plus communément appelées Brigades Antigang ou tout simplement l’Antigang, unités d’enquête et d’intervention de la Police judiciaire française. B.R.i, c’est aussi le titre de la nouvelle série policière de Canal+, qui, après la fin de la huitième saison de la série Engrenages en 2020, n’avait plus de produit maison dans ce genre.

Sofian Khammes (Saïd)
Canal+ / Cheyenne Federation
Nouvelle vague
Le jeune et talentueux auteur de romans policiers, scénariste et réalisateur Jérémie Guez (Balancé dans les cordes, J’ai Lu, 2013, Kanun, la loi du sang, 2022) a créé, cosigné le scénario et réalisé B.R.i. En se plongeant dans le thème fétiche de cette frontière très perméable qui est censée différencier les flics des voyous, comme, au cinéma, Les Ripoux, comédie de Claude Zidi sortie en 1984, Flic ou voyou (Georges Lautner, 1979) ou encore Serpico (Sydney Lumet, 1973). Cependant, la série B.R.i ne s’inscrit pas du tout dans le genre du polar classique, ce qui, avec Jérémie Guez aux manettes, nous aurait à la fois surpris et déçu. Le créateur de la série préfère construire sa narration sur la déconstruction des clichés grâce à un récit dans lequel spectatrices et spectateurs sont actifs, et donc, ne se contentent pas d’avaler du A+B=C en suivant un chemin balisé qui va du point X au point Y pour qu’on avale le point Z sans moufter.

Ophélie Bau (Vanessa)
Canal+ / Cheyenne Federation
Caméra au poing

Rabah Naït Oufella (Badri)
Canal+ / Cheyenne Federation
Vous avez dit Ripoux?
Les membres de la brigade sont exemplaires de cette limite floue qui sépare ceux et celles qui représentent la loi de celles et ceux qui la transgresse. Un seul exemple, celui de Badri, qui a grandi dans une cité et dont famille totalement réfractaire ne serait-ce qu’à l’idée de police. Badri n’assume pas son job de flic, il ment à ses proches et s’est construit une façade à la fois pour leur cacher son vrai travail – il prétend être employé par la voirie – mais aussi pour se cacher à lui-même la culpabilité de faire partie de « l’autre camp », parce que, pour Badri, intégrer la BRI, c’était la seule manière de quitter son milieu. Alors évidemment, sauf quand les policiers portent leurs uniformes d’intervention tout noir, leurs masques et leurs armes, on ne fait pas la différence entre les voleurs et les gendarmes, ce qui, évidemment, leur permet de se fondre plus facilement dans l’anonymat des banlieues.

Ophélie Bau (Vanessa), Sofian Khammes (Said), Theo Christine (Socrate), Rabah Naït Oufella (Badri) et Waël Sersoub (Julien)
Canal+ / Cheyenne Federation
Belle affiche
La réussite de la série ne serait resté qu’un vœu pieux sans la qualité des comédiennes et des acteurs, très peu connu·es du grand public et que Jérémie Guez a volontairement choisi pour ça, de Rabah Naït Oufella (Nocturama, 2016, Arthur Rambo, 2021), qui joue Badri, à Sofian Khammes (Chouf, 2015, Normale, 2023), Waël Sersoub (Kanun, la loi du sang, 2022) et Théo Christine (Garçon chiffon, 2022), jusqu’à Ophélie Bau, qu’on a découverte dans deux films d’Abdellatif Kechiche (Mektoub, My Love: canto uno, 2017 et Mektoub, My Love: intermezzo, 2019). Il y en a de plus connus, comme Bruno Todeschini (La Sentinelle, 1992, Un an, une nuit, 2022), Emmanuelle Devos (Sur mes lèvres, 2001, Mascarade, 2022) et Vincent Elbaz (La Vérité si je mens!, 1997, Mystère, 2022). Vincent Elbaz joue un maffieux gitan et là, encore une frontière, pas floue cette fois: soit on trouve qu’Elbaz est ridicule avec son accent de dur à cuire, soit on est de l’avis opposé, comme je le suis personnellement moi-même!