Esterno notte
Une cicatrice encore ouverte
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Esterno notte
Avec la série Esterno Notte, le cinéaste italien Marco Bellocchio revisite un traumatisme national qui eut lieu à la fin des années de plomb. Une période qui prend place de la fin des années 1960 au début des années 1980, marquée par une tension politique extrême, le développement de la lutte armée, les violences de rue et une succession d’actes terroristes dramatiques.
On peut citer par exemple l’attentat néo-fasciste de la Piazza Fontana à Milan en 1969, l’attentat contre le train Naples-Milan en 1984, sans oublier celui de la gare de Bologne en 1980, également perpétré par les néo-fascistes.

Fabrizio Gifuni (Aldo Moro)
The Apartment • Kavac Film • Rai Fiction
Tout à gauche, les Brigades Rouges
Esterno Notte revient précisément sur un des épisodes les plus marquants de cette époque tragique: l’affaire Aldo Moro. La série tire son nom d’une double référence au cinéma: “extérieur nuit” désigne une scène filmée en dehors d’un studio et de nuit, mais aussi parce qu’il fait référence au titre du film de Marco Bellocchio, Buongiorno, Notte sorti en 2003, qui raconte la vie de Chiara, jeune terroriste engagée dans la lutte armée impliquée dans l’enlèvement et la séquestration d’Aldo Moro. De plus en plus mal à l’aise dans son rôle de combattante, elle se retrouve en conflit avec les autres membres des Brigades rouges, tandis que le passé et le présent ébranlent ses certitudes jusqu’au drame final.
Vingt ans plus tard, le même Marco Bellocchio, quatre-vingt-trois ans, revient donc sur le sujet car, comme il l’a confié dans la presse: “La mort d’Aldo Moro est une blessure qui n’a pas cicatrisé”. Mais cette fois, son approche est différente et sa vision confère à la série un statut de chef-d’œuvre.

Esterno notte, une manifestation dans les rues de Rome
The Apartment • Kavac Film • Rai Fiction
De l’intérieur vers l’extérieur
Interprété par Fabrizio Gifuni, Aldo Moro est au centre de toute la série et plus particulièrement du premier épisode, dans lequel il présente sa vision de la politique italienne, tolérante et ouverte, et qui s’achève par son enlèvement. Le sixième et dernier épisode, dédié à sa mort, lui est également consacré.

Fabrizio Gifuni (Aldo Moro)
The Apartment • Kavac Film • Rai Fiction
Sabre, goupillon, révolution

Fabrizio Gifuni (Aldo Moro) et Margherita Buy (Eleonora Chiavarelli)
The Apartment • Kavac Film • Rai Fiction
Pure fiction cinématographique
Esterno Notte n’est toutefois pas un documentaire. Même si cet aspect est présent, notamment au travers d’images d’archive, il s’agit bel et bien d’une fiction. Pour preuve la scène d’ouverture, qui montre l’arrivée d’Aldo Moro dans un hôpital, vivant et libéré par les Brigades rouges, un Aldo Moro épuisé, mais qui juge ses pairs d’un regard terrible dans un silence de mort. Bellocchio manie la fiction avec le talent de conteur qu’on lui connaît, de métaphores en symboles, avec un style cinématographique et une image que l’on croise très rarement dans une série.
Avec une distribution exemplaire au-delà de toutes louanges, Esterno Notte est un chef-d’œuvre.